LES RESSOURCES HUMAINES

LA POPULATION

Le village Anivorano Nord datait vers les années 1900, date à laquelle on avait construit la Route Nationale N°6 (Ambondromamy-Diégo-Suarez). Son appellation vient du fait que le village est entouré par plusieurs rivières dont Beamalona du sud à l’est, Irodo du nord-ouest au sud et Anteñan’Anivorano du nord-ouest à l’est du Chef- lieu de la Commune en question. A 4 km à l’est d’Anivorano se situe le lac sacré d’Antañavo dont on a déjà parlé. C’est un site très merveilleux pour les touristes étrangers grâce à son histoire légendaire et à sa valeur sacrée. La population locale sakalava et antakarana le vénère fort et s’y rend souvent pour organiser des rituels d’action de grâce par les vœux exaucés, des rituels de demande de bénédiction aux ancêtres au cours desquels on appelle les crocodiles du lac à remonter sur la rive pour prendre leurs parts de viande de zébu sacrifié.

Ambodimangabe fut le premier village qui aurait été fondé par les Anjoaty, les Makoa et les Betsimisaraka venant du village d’accueil des Betsimisaraka dans cette région nommé Antanamarêsaka vers le 19ème siècle. Mais ce village fut déplacé un peu plus haut et au sud-ouest vers 1907 à cause des fortes crues. Plus tard, ils ont créé le village d’Ampasamañila puis d’Andemby. Enfin, Antanambao littéralement signifie « au-village-nouveau »

Ce fut le premier quartier occupé vers 1925, année d’implantation de la RN°6. C’est le début de l’occupation humaine. A partir de cette période, les Antemoro, les Betsileo, les Tsimihety et autres groupes furent arrivés successivement. Comme cette période fut l’apogée de la l’usine de conserves de viande MANIVICO et par l’usine de transformation des produits par la société SCAMA à Diégo-Suarez.

Actuellement, les noms des quartiers tels que Andronahely, Nôsihariny, Farafangana, Mandritsara témoignent encore de l’existence des villes ou villages d’origine de cette population. La population compte 18.447 âmes environ dont la densité s’élève à 28, 98 hab/km2. L’occupation humaine d’Anivorano est encore récente par rapport aux autres régions de Madagascar. Mais s’il faut parler des peuples d’Anivorano-Nord, il faut citer les Sakalava et les Antakarana qui sont classés comme les natifs de la région.

Les Antakarana signifiant « ceux des rochers », selon A. Dandouau (1952 :47), c’est la population de l’extrême nord de Madagascar, au-dessus du 14e parallèle, délimité naturellement au sud-ouest par les rivières de Sambirano et Bemarivo au sud- est. Hommes des rochers, les Antakarana ont des régions les plus rocheuses de la Grande Ile possédant plusieurs grottes par lesquelles l’Ankarana est aussi appelé pays de grottes. Un grand rocher d’environ 300 m de hauteur se trouve au sud-ouest de la montagne d’Ambre servant longtemps de refuge pour les hommes rebelles au pouvoir merina au temps des royaumes.

Les Antankarana ne sont pas des peuples homogènes, réitère cet auteur. Ils pouvaient être le mélange des Noirs natifs. Mais d’autres personnes disent que le fond de la population est sakalava en contact avec des souches betsimisaraka et des descendants des groupes arabes desAnjoaty.

Dans le domaine historique, les Antakarana furent conquis par le Roi Andriamandisoarivo fondateur du royaume de Boina vers 1705 ayant pour capitale Marovoay. Après avoir conquis les Vazimba, ce Roi de Boina avait soumis les Antakarana de l’extrême nord de Madagascar:

« Pendant qu’Andriamanetriarivo fortifiait la dynastie sakalava, dans le Menabe, Andriamandisoarivo (qui-chasse-les-mille), son frère, étendait, par une remarquable série de conquêtes, la puissance et le prestige de cette famille jusqu’aux confins nord de l’île ».

Selon l’histoire, l’Ankarana fit, autrefois, partie d’un royaume s’étendant du cap d’Ambre à la rivière Loza, à l’ouest, et à la Mahanarabe, à l’est et fut conquis par Andriamandisoarivo, fondateur de la dynastie sakalava du Boina (A. Dandouau et G-S- Chapus, 1952 : 49). Son plus ancien chef fut Andriantsirotso. Refusant la conquête sakalava, mais abandonné par les siens, ce Roi s’enfuit et se cacha chez les Sihanaka. Mais vers le 18e siècle, il revint et accepta la soumission sakalava et fut remis en possession de son royaume. Appuyé par Benyowksi, son fils Lamboeny s’affranchit de la suzeraineté sakalava. Il mourut en 1802. En 1824, par Vohémar, la partie de son royaume fut occupée par les expéditions merina rappelle encore (A. Dandouau, 1952 : 49). Mais le Roi Tsimiaro qui se réfugia à Nosy Mitsio en 1840 avait bien suivi les exemples des princes sakalava et céda ses états à la France (ibid. : 49) c’est pourquoi son fils Tsialana dont le nom posthume est Andriamañorinarivo fut le gouverneur dans l’administration coloniale et le bon auxiliaire des Français. Ses descendants détiennent et réitèrent cette tradition politique.

Si tel est le bref aperçu historique des Antakarana, les Sakalava, à leur tour, ce sont les peuples qui occupent un grand pays au sud, l’Onilahy, au Nord Diégo-Suarez et à l’est sont des reliefs en général et à l’ouest le Canal de Mozambique. Dans ce travail, nous n’allons pas discuter de ce terme « sakalava » qui est bien expliqué et discuté généralement soit d’ordre géographique ou historique par plusieurs auteurs tels que Henry Rusillon, Alfred. et Guillaume Grandidier, Jorgensen, Ferrand, Julien, le Père Tastaven, le père Luis Mariano, J.V. Mellis, Rev. J. Richardson, le Père Dalmond, Julien, A. Dandouau, G. S. Chapus, R. Decary, O. C. Dahl, et autres. Mais prenons ce que rapporte Hubert Deschamps :

« La première capitale des rois sakalava au XVI e siècle était le village de Bènge, dans le district de Manja,au bord d’un affluent du Mangòke appelé Sakalava.C’est la rivière qui a donné son nom à la tribu et non la tribu à la rivière. Sàka signifie «petite dépression dans la plaine où coule un ruisseau ou une rivière et làva veut dire « long » ». On peut donc traduire le mot par « vallée longue », ce qui correspond bien au caractèred’affluent »

Il résume ainsi .

« Ce terme de sakalava, employé de nos jours comme toponyme « Antsakalava » et comme appellation de groupe ethnique (Ny Sakalava), semble donc d’origine assez récente puisqu’il n’est attesté qu’au XIIe siècle; son sens semble avoir évolué de combattants, guerriers, à celui d’un groupe de populations dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles sont hétérogènes, puisqu’elles sont, soit d’origine africaine (Cafre) selon le témoignage du Père Mariano, soit Bouque, c’est-à-dire malgache de l’intérieur, enfin, très probablement des métis d’Arabes, ceux-ci ayant eu de nombreux comptoirs installés sur la côte. Tous les auteurs s’accordent à juste titre pour dire des Sakalava qu’il ne peut être que l’union d’un peuple comme tel, mais d’un assemblage de tribus et de clans qui se sont trouvés, à la suite des événements, des guerres, réunis sous la domination d’une seule famille. » Henry Rusillon indique même les six grandes divisions : Fiherenana, Antsakoabe, dans le Menabe, Antimailaka, dans le pays des lataniers Palmiers] ; Antimaraha ; Antambongo, Antiboina, qui comptent plusieurs sous-tribus ».

Ainsi, les Sakalava d’Anivorano-Nord sont parmi les peuples déplacés ou soumis au pouvoir des familles apparentées dus aux différents conflits et événements dans cette grande étendue.

Organisation de la société

Dans chaque village de cette région, en dehors de l’organisation administrative de la république, on constate trois organisations vivantes à savoir l’organisation lignagère, l’organisation villageoise et organisation royale. Ces trois organisations sont autonomes, hiérarchiques, complémentaires et complexes. En effet, l’organisation lignagère est l’organisation de base, dirigée par un chef de lignage. Les membres se tissent par le lien de sang. Cette organisation est très précieuse pour les membres parce qu’elle opère à la vie économique, sociale et relationnelle de chaque membre. Mais sa capacité d’intervention reste limitée, car elle ne s’applique qu’à son membre, c’est-à-dire au membre de lignage d’où la nécessité d’organisation villageoise.

L’organisation villageoise par contre est plus vaste que l’organisation lignagère, elle regroupe quelques lignages, pas forcement liés par le lien du sang mais liés par l’étendue géographique comme un hameau ou un village. Elle opère à la vie économique et surtout sociale comme les cérémonies traditionnelles festives ou funéraires, la sécurité, problèmes inter lignages et même jusqu’aux problèmes de la justice tels que le problème foncier, le divorce, les coups et blessures… Elle est composée des représentants des lignages, en général, représentés par (quatre) 4 membres dont un homme âgé, une femme âgée, un jeune homme, une jeune femme. C’est au tour de chaque catégorie d’élire à son tour son chef. Les membres hommes et femmes âgés interviennent surtout pour régler les problèmes sociaux, jugent si nécessaires. On les surnomme les pères-et mères du village, raiamandreny an-tanàna. Le chef élu porte le titre de président de la collectivité prezidam-pokonolo président de la population. Leurs jugements sont considérés par les populations comme justes et fiables. On désigne parmi leurs membres féminins un détenteur des matériels et ustensiles communes du village. Les jeunes membres à leur tour interviennent dans les travaux nécessitant des forces, à savoir préparer tous les repas pendant les cérémonies du village, festives ou funéraires sans exception. Ces jeunes sont dirigés par deux membres mixtes, élus et sont nommés talè. Ces dirigeants jeunes sont souvent mariés, actifs et doivent manifester de bons comportements. Après avoir servi pendant un moment, et à la fin d’une cérémonie quelconque, les chefs talé peuvent demander leur ascension auprès des pères-et mères raiamandreny. Les mandats de ces les pères-et-mères du village raiamandreny an-tanàna sont à vie sauf s’ils manifestent des comportements jugés inappropriés par leurs membres.

Anivorano-Nord fait partie des royaumes Antakarana, car le royaume s’étend du Bobaomby au nord, Beramanja au sud, Antanibeandrêfa à l’ouest et Betsiaka à l’est dirigé par son roi actuel le Roi Tsimiaro. Alors, une répartition des zones s’impose et chaque zone est dirigée par le Manantany, substitut du roi auprès de son peuple. A son tour le Manantany a ses collaborateurs le Fahatelo et le Rangahy. En général ces titres sont occupés par les hommes, contre quelques femmes en exception au poste de fahatelo et Rangahy mais pas au poste de Manantany. Ces représentants sont tous nommés par le roi, suivant des critères complexes à savoir les castes et lignages. Ici, on évite de discuter des conceptions de chacun par rapport à sa religion, mais on parle seulement de la place de cette organisation royale pour le bon fonctionnement de la vie de la population sakalava d’Anivorano.

L’organisation royale est très présente dans la vie de la population, elle opère surtout dans les règlements des différends au sein de la société, familiale, lignagère ou villageoise les plus anodins aux plus complexes tels que les insultes, la sorcellerie, les incestes, les vols, les problèmes fonciers, les viols, le divorce…Les habitants pensent que leurs jugements sont plus justes, fiables, et ces représentants du roi ont des pouvoirs mystiques donc ils sont difficiles à berner. Alors les gens pensent qu’il faut avoir des certitudes pour apporter des affaires devant eux.

Bref, tout cela montre que ces trois organisations sont certes autonomes à la fois hiérarchiques, inséparables et surtout elles visent au bien-être de la population d’Anivorano-Nord.


Tous ces auteurs donnent leurs explications sur le sens et l’origine du nom sakalava. Ils sont tous mentionnés par Louis Molet (1956) dans son ouvrage Origine et sens du nom des Sakalava de Madagascar, pp. 342-348

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